Une fois la transaction réalisée, l’entrepreneur et l’investisseur doivent encore s’aligner sur une vie commune qui doit tenir compte de leurs différences.

Dans la relation entre un entrepreneur et l’investisseur qui décide de le soutenir, il y a deux périodes bien distinctes : avant et après la concrétisation de l’investissement. Au-delà des différences évidentes qui séparent ces deux périodes, c’est la notion des attentes réciproques qui retient ici notre attention.

Nombreux sont les cas où bien des difficultés, qui se cristallisent par une dégradation du relationnel entre investisseur et entrepreneur, apparaissent, de manière apparemment surprenante, après la concrétisation de l’investissement. Il semblerait pourtant, à première vue, que les nombreux échanges et travaux entrepris lors de la période précédente, les nombreux « management meetings », due diligence, et négociations de la «termsheet», soient amplement suffisants pour forger un consensus. Il n’en est rien.

Pour permettre la concrétisation d’une transaction entre les deux parties en présence, il n’est pas nécessaire de parvenir à une adhésion de chacune des parties à la fois aux grandes lignes du projet et aux modalités détaillées de sa réalisation. La condition nécessaire et suffisante est de parvenir à un rapprochement mutuellement satisfaisant de positions qui, par nature, sont différentes.

Une fois la transaction concrétisée, le dialogue entre investisseur et entrepreneur quitte le terrain de la négociation pour se focaliser sur les décisions de gestion. C’est à ce moment que de nombreuses divergences surgissent le plus souvent.

 

Ces divergences peuvent par exemple être d’origine culturelle. En effet, les investisseurs en private equity ont aujourd’hui fréquemment des stratégies qui les mènent au-delà de leurs propres frontières ; or les pratiques communes dans la gestion des affaires varient significativement d’une région du monde à l’autre, voire d’un pays à l’autre, et ces différences apparaissent bien plus clairement au niveau des décisions de gestion que durant la phase de négociation. Au-delà des différences culturelles, on peut également mentionner les écarts intergénérationels, qui peuvent conduire à des façons d’opérer différentes : les problématiques de digitalisation ne sont généralement pas abordées de la même façon par les différentes générations !

 

Des divergences significatives apparaissent également fréquemment au niveau de la stratégie même de l’entreprise. Rappelons que durant la phase de négociation, seul un rapprochement des points de vue est opéré, dans le cadre de discussions bilatérales. Or la vision stratégique de l’entrepreneur est fortement ancrée dans les convictions acquises au cours des années de développement de l’entreprise, et sont donc difficiles à influencer. Quant à l’investisseur, il a investi dans un potentiel et a, durant la phase de négociation, forgé une ambition pour l’entreprise, dont il découle une stratégie à adopter.

Ces deux versions de la stratégie de l’entreprise, qui ne sont que partiellement alignées au moment de la concrétisation de la transaction, deviennent un point de confrontation dès les premières décisions importantes à prendre en commun dans la gestion de l’entreprise.

Une autre zone de friction importante entre investisseur et entrepreneur recouvre les attentes respectives sur les modes de gestion. Dans les entreprises de taille moyenne, les modes de gestion (flux d’information, processus décisionnel, etc.) sont souvent informels et fortement centralisés, donc opaques du point de vue de l’investisseur. Celui-ci sera donc amené à demander plus de formalisme dans la gestion, ce qui sera ressenti comme une tentative de prise de contrôle, ou du moins une ingérence injustifiable par l’entrepreneur.

On le voit, le potentiel d’incompréhension entre ces deux acteurs est important, et explicable, dès que les choses prennent un tour concret. Cela signifie-t-il pour autant que ce genre de situation est inévitable ? Non.

Aucune approche et aucun type d’effort ne pourront certes éliminer totalement les frictions entre ces deux acteurs aux perspectives si différentes, mais la plupart des problèmes que nous avons évoqués peuvent être anticipés. Il s’agit avant tout d’éviter que les divergences principales soient systématiquement abordées sur le mode du fait accompli.

L’idéal est donc de « mettre sur la table », dès après le closing, ces points dont on sait qu’ils sont porteurs de conflits, de susciter la prise de position de chacune des parties sur ces points, et d’explorer des solutions et des manières de faire qui faciliteront la bonne entente durant la phase de réalisation des objectifs. Cette démarche est bien entendu plus aisée si elle est effectuée avec l’aide d’une tierce partie neutre, et les situations que nous avons rencontrées démontrent amplement la valeur ajoutée d’un médiateur qui comprend les enjeux pour chaque partie!

Murielle Madrona
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