“La maîtrise de la création de valeur dans un investissement private equity”

Déc 14, 2007

La maîtrise de la création de valeur dans un investissement private equity

Lorsqu’un investissement dans une société non-cotée n’entre pas dans la catégorie « venture capital », il s’inscrit par définition dans une entreprise existante dotée d’infrastructures, d’outils de production, de collaborateurs, d’une équipe dirigeante en charge de son bon développement et de revenus récurrents. Du concret, donc. C’est cet aspect concret et son apparence de stabilité qui facilite le plus clairement la prise de risque et encourage les investisseurs à concrétiser leurs investissements.

Sauf qu’évidemment, les choses s’avèrent le plus souvent beaucoup moins rassurantes lorsqu’on y regarde de plus près. Les déboires récents des fonds Terra Firma (au sujet d’EMI) et Cerberus (au sujet de Chrysler) l’illustrent de manière presque caricaturale. Tous les aspects tangibles et rassurants d’un investissement ne constituent le plus souvent qu’une protection toute relative contre une perte de valeur importante.

C’est la réalisation du plan d’affaires présenté aux investisseurs qui est véritablement porteur des espoirs de création de valeur, et c’est de la qualité de sa réalisation que dépendra la performance de l’investissement. Cependant, comme une mission accomplie récemment pour l’un de nos clients nous l’a amplement démontré le plan d’affaires mélange de manière souvent peu transparente les éléments tangibles liés au développement des affaires existantes et ceux qui relèvent davantage du capital-risque (« venture capital »). Cette distinction constitue une des clefs de la performance dans la gestion d’investissements en private equity et elle détermine les choix stratégiques à presque toutes les étapes du cycle d’investissement.

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Premièrement, dès la revue de la documentation initiale qui présente la proposition d’investissement, il est indispensable d’isoler les éléments qui représentent la prise de risque la plus importante – ou autrement dit, ceux sur lesquels le pari est fait. L’investisseur avisé peut ainsi déterminer si la proposition qui lui est faite entre dans la logique de son portefeuille et fait partie des investissements qu’il est en mesure de prendre en charge avec toutes les chances de succès. S’il décide d’entrer en matière, cette distinction sera déterminante pour structurer les travaux de due-diligence, pondérer l’effort consenti à chacune des rubriques de l’analyse, et calibrer l’évaluation du profil et des compétences des personnes-clés. Il peut paraître paradoxal d’insister, lors d’une due-diligence sur des éléments qui sont par définition inexistants, mais il n’en est rien. Si une projection ne peut pas être testée, les hypothèses qui la supportent le peuvent.

Deuxièmement, cette même distinction à un impact déterminant sur les facteurs de valorisation du dossier. Mettre en évidence de manière transparente les éléments de véritable incertitude permet de moduler le taux d’escompte appliqué à l’actualisation des flux de trésorerie. Sans s’arrêter là, il est impératif d’identifier et de traiter de manière distincte les flux de trésoreries prévisionnels qui proviennent de la gestion des affaires courantes de ceux qui sont générés par des développements qui restent à encore à concrétiser. Bien réalisé, ce travail donne une meilleure base factuelle pour la négociation, ce qui n’est pas négligeable dans certaines situations.

Troisièmement, c’est en opérant cette même distinction que la meilleure stratégie de gestion de l’investissement pourra être définie. La prise en charge de l’investissement s’effectue toujours sous la contrainte du temps et des ressources disponibles. Il est donc essentiel de faire porter l’effort là où l’effet en sera maximal. Le travail de planification à opérer avec la direction de l’entreprise cible sera grandement facilité : les fameux « milestones » seront ainsi plus clairement identifiés, les actions importantes mieux définies et les responsabilités respectives plus clairement attribuées. Dans la réalisation de cette dimension de l’investissement, et afin d’éviter le côté fantaisiste de certains plans d’affaires, le gestionnaire devra faire preuve de maîtrise dans plusieurs domaines : la définition et la mise en œuvre de stratégie d’entreprise, la gestion de programmes, la mesure de la performance et la gestion du changement. Notons encore que sa capacité à développer un dialogue transparent et productif avec le management de l’entreprise sera également déterminante.

Enfin quatrièmement, le flux d’information entre les investisseurs et l’entreprise cible – le reporting – est aussi un point important qui assure la qualité de la relation entre les acteurs et donc influence les actions des uns et des autres. Là aussi, la distinction dont nous parlons est importante car elle permet de structurer de manière pertinente le dialogue entre investisseurs et entreprise, et donc d’opérer dans la durée en toute lucidité. Ce dernier point est particulièrement sensible quand plusieurs investisseurs constituent le tour de table et qu’il s’agit de les rassembler autour d’un format qui puisse satisfaire chacun et éviter malentendus et pertes de temps subséquents.

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Reste évidemment à identifier de manière systématique les éléments d’un investissement en private equity qui relèvent d’avantage du capital-risque. Sans entrer dans le détail, on peut considérer que toute entreprise établie maîtrise un ensemble stable qui comprend sa technologie, son savoir-faire, son outil de production et ses marchés. Des exemples concrets et connus de ces situations viennent immédiatement à l’esprit : on pense à Apple (iPod et iPhone), à l’aventure d’Audi dans le segment des petites voitures (A2), ou plus proche de nous l’entrée possible d’Implenia sur le marché russe. Ce type de virage stratégique se produit également mais à plus petite échelle pour des entreprises et des produits dont la visibilité est moindre. Lorsque les projections du dossier d’investissement impliquent un changement au niveau d’un de ces éléments, on entre concrètement dans une zone à risque pour la stabilité de la valeur de l’entreprise concernée.

L’actualité et les tendances observées dans le secteur du private equity le démontrent : les recettes assez simples des débuts de l’industrie ont fait leur temps. Le secteur demeurera pour longtemps la source de performances remarquables, mais la perspicacité et la qualité des responsables de la gestion de ces investissements sera de plus en plus mise à l’épreuve. Investir dans une entreprise non cotée en contribuant à générer de la valeur à long terme n’est pas une sinécure. Plus le secteur avance vers sa maturité, plus la capacité d’identifier, d’analyser et de maîtriser les mécanismes de création de valeur devient déterminante pour la performance.

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