“La Gouvernance d’entreprise est-elle la préoccupation exclusive des multinationales ?”

Jan 14, 2007

La Gouvernance d’entreprise, est-elle la préoccupation exclusive des multinationales ?

 

La Gouvernance dans l’actualité :

Récemment, le scandale à la tête de l’exécutif du Groupe EADS nous rappelle combien il est crucial, de protéger les actionnaires face aux délits potentiels pouvant être commis par un Directeur Général. Le scénario est classique, le Directeur Général profite d’une information d’initié pour exercer ses options sur titre. L’information rendue publique par la suite, constate des retards certains dans la production de l’A380 et engendre des pénalités mais également des annulations de commande. Le titre est chahuté, le cours de bourse chute de 47 %, en quelques jours. Le débat sur la Gouvernance d’entreprise prend plus d’ampleur aujourd’hui, mais n’est pas pour autant nouveau. On se rappellera le rapport Cadbury en 1992, au Royaume Uni, écrit par la commission du même nom, réunissant des actionnaires mécontents et s’interrogeant sur les niveaux de rémunération de quelques exécutifs. En Europe, chaque pays s’est doté de son arsenal normatif, avec dans l’ordre, au Royaume Uni, « The Combined Code : principles of good governance and code of best practice », en Suisse « le Code Suisse de bonne pratique de Gouvernance d’entreprise », par EconomieSuisse et SWX et plus récemment celui de l’OCDE, « Principes de Gouvernement d’entreprise ».


Les dénominateurs de la Gouvernance d’entreprise :

De ces documents ressort que la Gouvernance d’entreprise concerne tout autant les multinationales que les entreprises publiques et les entreprises familiales. Dès lors, on peut s’interroger sur la définition de la Gouvernance d’entreprise selon ces différents acteurs économiques. Quelles sont les similitudes de la Gouvernance d’entreprise selon ces acteurs ? Il s’agit en fait de la protection légitime de l’actionnariat, en tant que détenteur du patrimoine de la société, de l’ensemble des parties prenantes, par la mise en place de structures de direction et de contrôle aptes à assumer cette mission et des processus associés. Les autres enjeux concernent la comptabilité, la vérification des comptes,  la gestion des risques et la conformité avec les lois et les réglementations, mais aussi l’image professionnelle que l’entreprise donne à l’ensemble des parties concernées, à la communauté financière en particulier. La Gouvernance d’entreprise s’attache enfin à résoudre les intérêts divergents entre la direction et les parties prenantes, à prévenir donc les conflits d’intérêt et à assurer la continuité de l’entreprise. Ces buts sont aussi pertinents qu’il s’agisse d’une grande société cotée ou d’une entreprise familiale.

 

Une fois la question des similitudes de la Gouvernance d’entreprise résolue, on peut s’interroger sur les spécificités de ces mêmes acteurs, en termes de Gouvernance d’entreprise.

De la haute direction des groupes cotés:

En premier lieu, la Gouvernance d’entreprise, au niveau d’une multinationale, se concentrera sur les relations entre les actionnaires et l’entreprise. Ainsi seront traités la tenue des assemblées générales, la constitution et les obligations du Conseil de Surveillance. Le Conseil de Surveillance, dans ses tâches, est soutenu par le Comité d’Audit, le Comité de Rémunération et le Comité de Nomination. La Gouvernance d’une multinationale régira également le fonctionnement et les attributions de ces comités non – exécutifs. A ces sujets s’ajouteront bien sûr le contrôle interne, la gestion des risques et le rôle du Secrétaire Général. Un autre point clef et remarquable de la Gouvernance d’une société cotée, concerne les modalités de sélection des membres du Conseil de Surveillance. Ainsi seront explicités par exemple les critères d’indépendance vis-à-vis du Groupe et de sa gestion opérationnelle que doivent remplir les membres du Conseil d’Administration afin de garantir l’objectivité des membres du Conseil dans leurs fonctions et rapports avec les actionnaires. Si l’on se réfère aux avancées des autorités boursières et notamment la « Securities Exchange Commission » aux Etats-Unis, ces critères d’indépendance abordent des aspects aussi divers que la hauteur de la rémunération, l’expérience ou la non existence de liens directs ou indirects avec la société.

Du juste poids de l’actionnaire principal:

Pour les entreprises où l’Etat est actionnaire, la Gouvernance d’entreprise met l’accent sur l’égalité de traitement entre les actionnaires, afin de ne pas privilégier l’état aux dépens des actionnaires privés et minoritaires et de ne pas subir l’ingérence politique ou au contraire la distance de l’état. L’autre point majeur réside dans la chaîne complexe de délégation de pouvoirs, où les responsabilités réelles seront difficilement identifiables. Ainsi la Gouvernance d’entreprise mettra tout particulièrement en exergue l’importance de la transparence et de la diffusion de l’information. Enfin, le dernier point crucial résidera dans la définition de la fonction réelle du Conseil d’Administration, afin qu’elle s’exerce pleinement et non qu’elle se dilue dans cette chaîne complexe de délégations de pouvoir ou qu’elle soit accaparée par l’état ou l’actionnaire majoritaire.

La Gouvernance et la majorité des acteurs économiques:

En dernier lieu, pour les petites et moyennes entreprises, la Gouvernance d’Entreprise visera à organiser plus efficacement la structure au niveau de la direction et ses processus décisionnels. Plus concrètement, la Gouvernance d’entreprise pour les entreprises non cotées est riche parce que celles-ci présentent une grande diversité en terme d’activité, de taille et de structure d’entreprise. Dès lors, dans la mise en œuvre des règles de Gouvernance dans les PME, il y a en effet lieu de tenir compte tout particulièrement des points ci-après :

 

La structure de l’actionnariat : les titres sont soit détenus par un seul et même actionnaire soit par plusieurs actionnaires, qui en général, appartiennent à la même famille. Pour les entreprises de taille moyenne, si le capital est plus dispersé, les actionnaires autrefois, passifs, se manifestent, l’entreprise doit alors répondre à ces nouvelles attentes.

 

Le degré de développement de l’entreprise : pour les plus jeunes, il s’agira de renforcer avant tout la crédibilité à l’égard des banquiers et des bailleurs de fonds. Pour les entreprises plus matures, elles rechercheront en plus à renforcer leur crédibilité vis-à-vis des instances de régulation, des clients, des fournisseurs et des collaborateurs.

 

Le souci de l’éthique : comment les dirigeants d’entreprise traduisent leur responsabilité sociale dans la stratégie d’entreprise.

 

Le degré de contrôle de l’actionnaire majoritaire et le lien entre les propriétaires, le conseil d’administration et le management : si c’est la première génération, le propriétaire ou l’actionnaire sera actif au conseil d’administration et prendra aussi en charge le management de l’entreprise. Si c’est la deuxième génération, il y aura plusieurs propriétaires avec des intérêts divergents, certains assistant seulement aux assemblées générales ou siégeant juste au Conseil d’Administration, les plus impliqués s’occupant aussi du management.

 

Le besoin en flexibilité : parce que les entreprises doivent être réactives, la Gouvernance d’entreprise doit s’ensuivre d’une mise en œuvre flexible et pragmatique.

 

Parmi les spécificités de la Gouvernance d’entreprise pour les PME, on notera l’importance d’expliciter la vision, de maîtriser le recours judicieux à des conseillers et aux contrôles externes. Ensuite, il sera tout aussi essentiel de déterminer les règles de nomination, d’évaluation et de rémunération du management. Afin de prévenir les revendications des actionnaires, on définira leur rôle et les modalités de leur intervention dans la gestion même de l’entreprise. Quant aux enjeux liés à la famille, la Gouvernance pourra consacrer la mise en place d’une plate-forme de communication, un forum familial mais aussi une charte familiale définissant des règles du jeu. La Gouvernance familiale traitera également de succession et de la résolution des conflits. Enfin, le cadre des relations avec les contreparties sera défini.

Les projets de Gouvernance dans la pratique :

Cette année, plusieurs PME Suisses nous ont mandaté sur leurs projets de développement et de mise en œuvre de Gouvernance d’entreprise. Bien que celles-ci aient des tailles et des activités différentes, nous avons dénombré quelques  analogies. Les objectifs premiers des Présidents ou des Présidents et Directeur Généraux sont d’améliorer les règles et le fonctionnement du Conseil d’Administration, mais aussi le contrôle de la société. Ensuite, ils veulent souvent  harmoniser les processus au sein des différentes entités du Groupe et rendre explicites les pratiques existantes, avec parfois l’idée de créer les conditions d’une croissance harmonieuse, en évitant les crises. Nous avons remarqué par ailleurs que la Gouvernance d’entreprise concernait d’autant plus les chefs d’entreprise que ceux-ci envisageaient leur retrait des affaires. Dans ce cas particulier, la Gouvernance d’entreprise apparut être une condition favorable à un départ progressif. Globalement, nos mandats se sont concentrés sur les sujets suivants : expliquer la vision du président, développer en interne la déontologie, préciser les règles de Gouvernance d’entreprise, c’est-à-dire le fonctionnement de la haute direction, encadrer les engagements contractuels, garantir la conformité avec les lois et les règlementations, protéger les actifs du Groupe, spécifier les règles liées à la finance et au juridique.

 

Ces diverses expériences nous ont démontré une fois de plus que des modes de fonctionnement multiples au sein de la même entreprise exposent l’entreprise à des risques accrus, que faire converger les esprits vers la Gouvernance est long et que ce sujet peut vite passer au second plan des priorités. Enfin, le soutien continu du plus haut responsable de l’entreprise est primordial. Le sens de l’urgence est aussi indispensable pour mener à bien un tel projet.

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