La légende Philippe jabre impose sa griffe à Genève

Sep 28, 2007

La légende Philippe jabre impose sa griffe à Genève

 

Le trader controversé lève un fonds de 3,7 milliards de dollars en quelques mois.

«C’est en Chine qu’il faut aller!» C’est avec cette phrase provocatrice que Philippe Jabre, star controversée des hedge funds, a terminé une intervention très suivie et appréciée hier à Genève. Invité par la société genevoise Edgar Brandt, le gérant qui a fondé ce printemps Capital Partners, son premier chapitre suisse, est venu partager sa vision des marchés, de la gestion de fonds et du monde. Tout cela était bien loin de sa réputation sulfureuse de héros déchu de la finance qui le poursuit depuis sa condamnation et celle de sa société GLG en 2006 par les autorités de surveillance boursière de la City (lire «L’Agefi» du 25septembre 2006).

 

Les géants des hedge funds ont perdu leur dynamisme

Mais avant de clore un exposé aussi dense que toute l’histoire des crises des deux dernières décennies du XXe siècle, Philippe Jabre a dressé un portrait sans complaisance de l’industrie des fonds, et plus particulièrement des hedge funds. Pour celui qui a réussi à lever 3,7 milliards de dollars en quelques mois sur sa seule réputation, «sans la crise de 2000, il n’y aurait pas de hedge funds. L’industrie a connu une très forte croissance ces dernières années si bien que dorénavant près de 60 milliards de dollars y entrent chaque année.» Si les fonds alternatifs sont généralement associés à l’esprit d’entreprise et à la gestion dynamique, le collectionneur de récompenses et de prix a souligné que cette croissance a créé des «géants qui concentrent près de 90% des avoirs sous gestion. Je faisais partie des 25 plus importants, mais il manque à ces structures la liberté d’être corrélées au marché. Ce qui leur permettrait de générer davantage de rendement que ce que les stratégies pilotées par les gestionnaires de risque qui les dirigent aujourd’hui ne leur autorisent. » Le pionnier de la gestion de portefeuille alternatif compare volontiers ces entités à des banques classiques. «C’est la raison principale qui nous a poussé à créer ce spin-off en Suisse.» Et lorsqu’on lui demande pourquoi il s’installe justement en Helvétie, Philippe Jabre explique que le pays offre désormais toutes les conditions-cadres requises pour «travailler de manière confortable: la libre-circulation des travailleurs; la modernisation de la Loi sur les fonds; et une fiscalité toujours intéressante.» Reste que notre pays peut encore faire des progrès, notamment en matière de libéralisation de la publicité pour les hedge funds. «A Londres, on peut s’installer facilement sans être connu. Ici, c’est impossible car on ne peut pas parler de nos activités du tout!» L’ex-gérant de portefeuille à risque chez Lehman Brothers s’est également exprimé sur la nécessité d’une certaine transparence: «Je pense qu’il faut révéler la nature du risque aux clients, mais pas l’entier des détails des stratégies. Certains fonds quantitatifs qui fonctionnent comme des boîtes noires sont capables de générer du rendement, il n’y a pas de règle absolue.» Philippe Jabre a souligné que si le régulateur s’intéresse aux hedge funds, c’est avant tout dans le but de protéger les clients, «ce qui est tout à fait légitime. Mais si on embête trop les gérants, ils s’en iront. Nous finirons tous sur une île des Caraïbes!», a-t-il encore plaisanté.

L’économie réelle chinoise est en avance sur la finance

La crise sur les marchés financiers va-t-elle contaminer l’économie réelle et quand? Voilà la question que tous les acteurs se posent en ce moment. Pour le trader, «tout va bien jusqu’à ce que l’on commence à voir des files d’attentes devant les banques jour et nuit comme dans le cas de Northern Rock.» Sans compter que la contagion du crédit hypothécaire à risque devrait prochainement atteindre l’Espagne. «On pourrait même voir un phénomène proche de ce qui s’est passé au Japon où l’immobilier a perdu près de 70% en 10 ans.» Reste qu’en Chine, c’est le phénomène inverse qui est en train de se produire: «La finance est nettement sous-évaluée. De fait, elle est en retard sur l’économie réelle. D’ailleurs, les Chinois sont en train d’acheter Hong Kong à tour de bras avant que le reste du monde ne se rende compte que tout y est très bon marché! C’est en Chine qu’il faut aller trouver les bonnes affaires. Les six prochains mois vont y être fantastiques et ceux qui répètent à tout va que ça va baisser, ne le font que parce qu’ils n’y sont pas!» a conclu tout sourire Philippe Jabre.

 

Rohan Sant

 

Article paru dans l’Agefi du 28.09.2007

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